mercredi 27 février 2019

Très faible impact du dédoublement très coûteux des classes en « banlieues difficiles »

Extrait d’une chronique de Laurent Alexandre dans l’Express de ce jour :


[E]n 2019, il n’existe toujours aucune technologie éducative pour réduire significativement les inégalités intellectuelles. Jean-Michel Blanquer a courageusement testé une baisse importante des effectifs d’écoliers pour permettre un enseignement plus personnalisé. Le dédoublement des classes de CP [1re année du primaire, 6 ans] en zones difficiles dites REP+ a bénéficié à 60.000 enfants au cours de l’année 2017-2018.

L’évaluation a porté sur 15 000 élèves répartis dans 408 écoles, avec l’aide de chercheurs internationalement reconnus. On a comparé des écoliers de REP+ appartenant à des classes dédoublées [13 enfants par classe plutôt que 26 en moyenne] avec d’autres élèves de REP+ qui n’ont pas bénéficié du dédoublement, au début et à la fin de l’année 2017-2018, en français et en mathématiques.

Sur les 60 000 enfants scolarisés en CP REP+, 40 % étaient en très grande difficulté en mathématiques et en français. Le dédoublement des classes de CP a permis de baisser la proportion d’élèves REP+ en très grande difficulté de 40 à 34 % en mathématiques et de 40 à 37 % pour le français. Sur les 24 000 écoliers en très grande difficulté, il y en a 3 000 de moins en mathématiques et 2000 en français.

L’impact du dédoublement n’est pas nul, mais est bien faible et inférieur à celui des expériences internationales. On observe un gain de 0,08 écart-type en français et de 0,13 écart-type en mathématiques, en faveur des élèves de REP+ dédoublés, par rapport au groupe témoin : il faudrait gagner 10 fois plus pour réduire de façon significative les inégalités cognitives.

Les études étrangères obtiennent un gain moyen supérieur, mais qui reste limité. Il est essentiel de comprendre pourquoi cette mesure marche moins bien en France qu’à l’étranger. Les élèves français en difficulté sont-ils culturellement, sociologiquement ou neurogénétiquement différents ? Les blocages syndicaux à l’Éducation nationale ont-ils freiné les améliorations pédagogiques ? Est-ce juste lié à la jeunesse du dispositif ?

Pour faire progresser plus manifestement les élèves, le dédoublement doit s’accompagner d’améliorations pédagogiques. Cela ne sera pas facile : l’étude américaine « The Mirage » a montré que la formation continue des maîtres donne des résultats franchement médiocres sur le niveau des élèves… Le dédoublement des classes — dont le coût est énorme — a rendu la situation un tout petit peu moins dramatique, mais ses bénéficiaires ne sont toujours pas armés pour s’intégrer dans l’économie de demain. N’oublions pas que ces enfants seront encore sur le marché du travail en 2070 !

Même pour les 10 % d’élèves qui ont progressé, passer de « très grande difficulté » à « grande difficulté », est-ce la promesse d’une compétitivité face aux intelligences artificielles de 2070 ? Non !

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